Digital Business12.06.2023 Lettre d'information

Les produits numériques dans le métavers : Comment les NFT permettent l'attribution et la distribution de produits numériques et ce que les distributeurs doivent prendre en compte sur le plan juridique

Comme nous l'avons indiqué dans le premier article de notre série portant sur le métavers, les entreprises utilisent principalement le métavers pour promouvoir leurs propres produits et vendre des produits numériques.

Les jetons non fongibles (non-fungible tokens – NFT) sont utilisés pour attribuer des produits numériques uniques à leurs propriétaires. En 2021, l'engouement pour les NFT s'est surtout manifesté dans le domaine des œuvres d'art numériques. En mars 2021, l'artiste Beeple a par exemple mis en vente l'œuvre d'art numérique « Everydays : The first 5000 days » via la maison d'enchères Christies et l'a cédée pour un montant record de plus de 69 millions d'euros.

Depuis, les NFT rencontrent également un grand succès dans le métavers. Par exemple, des vêtements numériques en édition limitée pour son avatar sont dotés d'un NFT et distribués aux clients. Les NFT permettent de prouver la propriété de ces produits. De plus, ils sont utilisés dans le métavers, par exemple pour attribuer des droits exclusifs aux clients et offrir des produits sélectionnés ou des droits de préemption à un petit cercle de clients réguliers.

Qu'est-ce qu'un NFT et en quoi cela aide-t-il à établir un rattachement avec le titulaire d'un produit ?

Les NFT fonctionnent en principe comme les bitcoins ou autres crypto-monnaies, que l'on appelle jetons fongibles (fungible tokens). Les certificats numériques sont déposés dans la blockchain et sont liés de façon permanente à des produits numériques ou réels, par exemple par une URL vers un objet de référence. Ils peuvent en principe faire office de certificat justificatif pour une multitude d'actifs. 

Chaque NFT est donc enregistré une seule fois sur la blockchain. En raison du caractère infalsifiable de la technologie blockchain, les NFT qui y sont enregistrés sont particulièrement dignes de confiance. En cas de revente des actifs et du NFT, toutes les données antérieures des propriétaires du NFT peuvent être enregistrées dans le certificat. Il est ainsi possible de constater ultérieurement les changements de propriétaires.

Quels sont les droits des propriétaires de NFT et à quoi dois-je faire attention en tant que vendeur/acheteur ?

Lors de l'évaluation des droits du propriétaire, il est important de distinguer entre le droit sur le NFT et les droits découlant du NFT.

Concernant les droits des propriétaires respectifs sur le NFT, il faut notamment tenir compte des trois étapes du cycle de vie du NFT :

1. création du NFT (minting) : après la création du NFT, par exemple sur une plateforme, le NFT est attribué au créateur.

2. première vente (primary sale) : le titulaire du NFT peut disposer du NFT et le céder pour la première fois à un acheteur. Dans ce cas, le créateur peut fixer les conditions de la vente.

3. d'autres cessions (secondary sale) : après avoir obtenu les droits, le nouveau titulaire du NFT peut les transférer à des tiers. Il est toutefois possible que le créateur du NFT se soit réservé certains droits lors de la première vente, qui s'appliqueront également dans le cadre de la revente. Par exemple, en prévoyant une disposition correspondante dans les conditions de vente, le créateur du NFT pourrait revendiquer une partie du prix d'achat issu de la revente (ce qu'on appelle le NFT Revenue Share).

Par ailleurs, le propriétaire du NFT a également des droits issus du NFT sur l'objet de référence : l'étendue des droits sur l'objet de référence que le propriétaire du NFT possède ou doit obtenir du créateur doit être réglée en premier lieu par contrat entre le créateur et l'acquéreur. La liberté contractuelle existe à cet égard dans toute ses formes : les créateurs peuvent accorder et transférer des droits exclusifs ou non exclusifs, des droits territorialement limités ou seulement certains droits d'utilisation (droits d'adaptation ou droit de reproduction) sur l'objet de référence. À cet égard, il n'existe pas encore de contrats (types) uniformes pour les œuvres numériques avec des NFT.

En revanche, si le contrat de vente initiale du NFT ne contient aucune condition relative à l'étendue des droits d'utilisation à octroyer, il faut partir du principe – en cas de doute et conformément aux articles 31, paragraphe 5, et 44, paragraphe 1 de la loi allemande sur le droit d’auteur (UrhG) – qu'aucun droit d'exploitation n'est concédé sur l'objet de référence. L'acquéreur reçoit alors uniquement le NFT, il ne peut donc utiliser l'objet de référence correspondant que pour sa consommation privée et ne peut pas l'exploiter.

Distribution de NFT aux consommateurs

Si un créateur ou un revendeur distribue plusieurs NFT et effectue les ventes dans les mêmes conditions, les exigences du droit allemand relatif aux conditions générales de vente doivent être prises en compte lors de l'élaboration des conditions juridiques. Cela pourrait également s'appliquer si une autre loi que la loi allemande était choisie dans les conditions de vente. Les §§ 305 et s. du Code civil allemand (BGB) doivent – en tant que normes impératives de protection des consommateurs et conformément à l'article 6, paragraphe 2, p. 2 du Règlement Rome I – tout de même être appliqués pour les contrats d'acquisition de NFT par des consommateurs ayant leur résidence habituelle en Allemagne, dans la mesure où l'entrepreneur dirige son offre vers l'Allemagne.

Par ailleurs, le droit de la protection des consommateurs prévoit que le consommateur dispose d'un droit de rétractation de 14 jours pour les contrats à distance (§§ 312g, 355 BGB). Dans le cadre d'un transfert de NFT, un tel droit de rétractation irait toutefois à l'encontre de l'idée de la blockchain selon laquelle les transactions ne peuvent pas être annulées. Par conséquent, le droit de rétractation devrait être exclu de manière effective dans les conditions de vente.

Protection des données dans la blockchain

Les NFT fournissent des informations sur le propriétaire actuel et les propriétaires précédents de chaque actif. Ces données sont enregistrées dans les NFT de façon anonyme sous forme de hashtags. Les transactions dans la blockchain peuvent également être évaluées par des tiers à l'aide d'outils d'analyse. Par conséquent, les exigences en matière de protection des données devraient également être prises en compte dans les dispositions contractuelles.

La vente de NFT est-elle réglementée par la loi ?

Outre l'élaboration de relations contractuelles juridiques entre le vendeur et l'acheteur de NFT, il convient de prêter attention à d'éventuelles dispositions réglementaires :

La version provisoire du règlement européen Markets in Crypto Assets Regulation (MiCAR), qui vise à créer un cadre de surveillance unique pour les crypto-actifs, n'inclut en principe pas les NFT. Le MiCAR ne trouve pas application lorsque le NFT est techniquement unique et incarne une valeur ou un droit unique et non interchangeable. Exceptionnellement, les règles du MiCAR pourraient s'appliquer à ces NFT qui n'incarnent pas une valeur ou un droit unique, car ils sont alors interchangeables. Pour l'instant, le législateur n'a pas encore précisé quand un NFT est techniquement et effectivement unique. Par ailleurs, la question de savoir si les NFT doivent être considérés comme des « crypto-actifs » au sens de l'article 1, paragraphe 11, point 10, quatrième phrase, de la loi allemande sur le crédit (KWG) fait actuellement l'objet de discussions.

Dans ce contexte, la question de savoir si les NFT servent à des fins d'investissement et peuvent être transmis, stockés et négociés par voie électronique est discutable. La négociabilité requiert une certaine fongibilité de l'actif, ce qui n'est précisément pas le cas selon la notion de NFT. En revanche, on peut tout à fait s'attendre à ce que certains NFT soient utilisés en premier lieu à des fins de négoce en raison d'une augmentation constante de leur valeur. Une discussion comparable existe également dans le cadre du règlement sur les prospectus. 

La conséquence d'une classification correspondante en tant que crypto-actif serait que l'intermédiation d'investissements dans les NFT, mais aussi le négoce pour compte propre de NFT, nécessiterait une autorisation de l'Office fédéral de surveillance des services financiers (BaFin) et, le cas échéant, la publication d’un prospectus avant la première offre.

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Patrick Schwarze

Patrick Schwarze

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